Chucuito était la capitale de l’antique royaume aymara des Lupacas, avant la conquête des Incas. Chucuito fut aussi, plus tard, lors de la colonie, un village important, car il devint la Maison des Monnaies au temps des vice-rois. De là vient son titre colonial de Cité de Caisses royales.
De ce passé historique fameux, notre peuple conserve plusieurs témoignages et une attitude « seigneuriale », en même temps qu’une division sociale irréductible entre « jaques » (indigènes) et « mistis » (métis).
Ses deux temples coloniaux, parmi les plus anciens du Pérou, construits dans le style baroque métissé de l’Altiplano, et ses ruines dites Inca Ullo, probablement pré-incas, sont des sites reconnus qui font partie du parcours touristique autour du lac sacré. Notre petit musée Wawamarka, qui appartient à l’association Alumnos del Perú, est une halte appréciée lors de la visite du village.
Mais le plus beau de notre village, ce sont les gens et leur culture. Au cœur du Collao (nom antique pré-inca de la région), Chucuito conserve, très vives dans l’âme de ses habitants, les traditions et coutumes de sa culture. Mais le plus fascinant est, sans aucun doute, la vitalité de la spiritualité andine et de sa très belle ritualité.
D’emblée, notre communauté a voulu prendre part à ce monde religieux, à travers l’amitié de Don José, notre Yatiri (sage andin ou prêtre indigène). Avec lui et avec nos voisins et amis aymaras, nous avons opté pour la célébration des rites andins, tant les rites domestiques comme ceux célébrés sur les montagnes (cerros) tutélaires. Dans les Andes, les montagnes sont sacrées. Ainsi, notre grand protecteur de Chucuito est l’ « Achachila (grand ’père) Atoja », qui a son pôle masculin (Awki) et son pôle féminin (Tayka). Les habitants de Chucuito y montent constamment pour rendre un culte à Dieu.
Quant à nous, nous veillons à agir avec une réciprocité respectueuse entre la ritualité catholique et la ritualité andine, elle-même christianisée en de nombreux aspects, en recueillant chez chacune d’elles la profondeur évangélique au-delà des différences et sans protagonisme de l’une par rapport à l’autre. Rappelons enfin que c’est à Chucuito que commença, en 1990, un courant théologique important qui s’étend aujourd’hui à toute l’Amérique latine, et dans lequel notre communauté est impliquée activement : la Théologie Indienne, en sa version andine. C’est ainsi que nous travaillons, en dialogue, la question : comment être chrétien andin, c’est-à-dire être chrétien à partir de l’andin.